La CFDT écrit à M. Trappier au sujet du déploiement de la nouvelle convention collective



Monsieur le Président, Monsieur le Délégué général,

Depuis plusieurs mois maintenant, la FGMM-CFDT avertit l’UIMM de façon très régulière des constats de mauvaise application de la Convention collective nationale par des entreprises adhérentes à votre organisation patronale.

A à peine un mois du déploiement total, les exemples se multiplient de non-respect de la Convention collective notamment dans la mise en oeuvre des classifications, point focal de cette fin d’année.

Ce dont nous vous avions alerté est malheureusement monnaie courante et c’est quotidiennement que nos équipes d’entreprises nous remontent des problèmes.

Les actions de mise en place sont bien loin de l’esprit de la négociation et de la volonté affichée par votre organisation de rénover le dialogue social et de rendre la branche attractive.

Nous relevons ainsi et ce même dans les plus grandes entreprises - nous n’osons même pas imaginer ce qu’il en est dans les TPE - les écarts suivants :

  • Le non-respect d’information consultation des IRP pour la mise en oeuvre des classifications ;
  • Le non-respect des 5 phases de déploiement du système avec, dans une très grande majorité des cas, la remise de la fiche d’emploi concomitamment avec la cotation de l’emploi sans que cela ne soit régi par un accord de méthode ;
  • La non-possibilité des salariés à exprimer et faire entendre leurs modifications quand l’emploi décrit ne correspond pas à l’emploi réel ;
  • La remise des fiches par des N+1 non formés et non impliqués dans le processus ;
  • Des fiches génériques trop éloignées de l’emploi réel et de la prise en compte des compétences développées et mises en oeuvre par les salariés qui provoquent chez ces derniers un véritable sentiment de rejet et un désengagement fort.

Si la FGMM-CFDT reste persuadée que la négociation dans ce domaine était nécessaire et que nous devions nous rénover pour permettre la prise en compte de tous les emplois de la branche, force est de constater que dans trop d’entreprises ce rendez-vous est manqué et que la mise en oeuvre a été vécue par les entreprises comme un passage obligé et non comme une opportunité de parler du travail, d’en faire un véritable outil de gestion des carrières et des compétences.

Face à cette situation, la grogne sociale s’installe dans bon nombre d’entreprises, les premières grèves se sont déroulées, elles ne sont que les prémices d’un mouvement plus important.

Nous enregistrons déjà des démissions de salariés dégoutés par le traitement fait dans le domaine par leur entreprise, cela est bien loin de l’attractivité recherchée.

Il nous est remonté ici ou là le déclenchement de risque de danger grave et imminent tant l’impact est fort sur le mental des salariés.

Des actions judiciaires sont en cours dans certaines entreprises pour délit d’entrave au CSE et des actions individuelles sont initiées.

A la FGMM-CFDT, nous avons assuré le « service après-vente » de notre signature et assumé pleinement cette dernière.

Nous continuons à la porter et à vanter les mérites, les avancées de la CCN.

Nous avons accompagné et formé nos équipes pour réussir la mise en place de la classification, c'est pourquoi nous n’hésiterons pas à suivre et soutenir les actions engagées partout où notre signature est galvaudée.

Ne pas faire respecter les accords signés c’est faire la part belle aux non-signataires, aux récalcitrants de tout bord. Nous nous y refusons.

Si les classifications occupent une grosse part de notre activité en cette fin d’année, cela ne doit pas nous faire oublier qu’elles ne représentent qu’un des thèmes de la Convention collective qui doit être mise en oeuvre au 1er janvier 2024 et le constat est là encore plutôt négatif tant les entreprises qui avaient pourtant deux ans pour traiter de l’ensemble des sujets sont à ce point en retard.

Elles le sont tellement que nous voyons soumis à la signature, par des entreprises adhérentes à votre organisation, des accords proposant de déroger à sa mise en place à la date prévue et de continuer à appliquer des CCT ou la CCN Ingénieurs et Cadres qui n’existeront plus.

D’autres entreprises, parfois les mêmes, disent ouvertement qu’elles n’appliqueront pas la CCN même pour les points qui ne sont pas couverts par des accords d’entreprises ou des usages et qui ne sont pas du Bloc 1.

Ces annonces et agissements ne sont pas acceptables, tous les salariés de la branche pourront se prévaloir des dispositions de la CCN dès le 1er janvier dans la mesure où un accord d’entreprise ne traite pas des sujets de la convention.

Là encore nous ne laisserons pas de tels agissements sans action, là encore il en va du respect de la signature des partenaires sociaux.

Nous sommes aussi alertés sur le fait que des entreprises, conseillées par le cabinet MERCER, se prévalant d’agir sous couvert de l’UIMM, intègrent des prestations de retraites supplémentaires dans le 1.12 obligatoire de la prévoyance.

Cette interprétation de la Convention collective ne respecte en rien la volonté des négociateurs, nous vous avons alerté sur le sujet, nous le porterons à la CPS du 1er décembre et au besoin, nous saisirons la CPPNI sur ces agissements qui écornent la loyauté de notre négociation.

Enfin, même s’ils sont dans leurs droits, nous ne pouvons que déplorer que des grands groupes aux résultats économiques plus que florissants profitent de la nouvelle Convention collective pour dénoncer l’ensemble du statut social de leurs salariés.

La Convention collective à de notre point de vue vocation à réguler la concurrence entre les entreprises du secteur en donnant des droits minimaux et des règles aux employeurs et salariés.

Elle n’a en aucun cas à devenir la règle pour tous et heureusement qu’un certain nombre d’entreprises ne se lancent pas dans la renégociation tous azimuts.

L’image renvoyée par ces grandes entreprises florissantes nuira forcément au désir commun d’une branche attractive qui permet des parcours de carrières et le développement personnel.

Monsieur le Président, Monsieur le Délégué général, à tout juste un mois, il nous a paru important de vous interpeller sur le sujet.

En espérant que vous serez en mesure de peser de tout votre poids pour infléchir cette trajectoire qui met à mal la qualité du dialogue social que nous avons pu construire tout au long des cinq ans de la négociation de la Convention collective nationale et qui perdure encore aujourd’hui au niveau national.

Qualité du dialogue social dont nous avons ensemble pu louer les bienfaits et qui sera encore nécessaire pour accompagner les transformations importantes à venir face aux enjeux écologiques.

Nous restons à votre disposition pour étayer plus précisément les éléments portés à votre connaissance et trouver ensemble des pistes d’actions pour corriger les écarts constatés.

Dans l’attente, recevez, Monsieur le Président, Monsieur le Délégué général, nos salutations syndicales.


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